Guy Debord (1931-1994) est un penseur français, polémiste et critique acerbe de la société moderne, dont la principale cible fut ce qu'il nomma la "société du spectacle". Il voyait dans cette société une forme d'aliénation collective, où les relations humaines étaient médiatisées par des images et des marchandises, réduisant les individus à des consommateurs passifs. Cependant, l'une des œuvres les plus controversées de Debord n'est pas un livre, mais un "film" qu'il a réalisé en 1952, intitulé "Hurlements en faveur de Sade".
Ce "film", qui a fait son retour inattendu en mars 2013 à la Bibliothèque nationale de France (BNF), a déconcerté et exaspéré bien des spectateurs. L'œuvre se compose d'une succession d'écrans blancs et noirs : des écrans blancs accompagnés de commentaires aphoristiques et d'extraits du Code civil, suivis d'écrans noirs sans aucun son. La particularité de ce "film" est son absence totale d'image et de narration visuelle, s'étalant sur 64 longues minutes. Une phrase mémorable prononcée par Debord lui-même résume bien son projet : "Il n'y a pas de film. Le cinéma est mort. Il ne peut plus y avoir de film..."
Si Debord voyait dans cette œuvre une critique radicale du cinéma et de la société de consommation, il est indéniable que cette création a suscité plus d'incompréhension que de réflexion. Pour certains, "Hurlements en faveur de Sade" n’est rien d’autre qu’une plaisanterie de mauvais goût, une provocation gratuite destinée à défier le public plutôt qu’à l’éclairer. En dépit de la déclaration péremptoire de Debord sur la mort du cinéma, ce dernier est loin d'avoir rendu l'âme. Soixante ans plus tard, ses affirmations sur l'impossibilité du cinéma paraissent, avec le recul, comme une imposture artistique.
Debord, malgré cette œuvre contestée, a marqué la pensée critique et son analyse de la société du spectacle a influencé nombre de théoriciens et d'artistes contemporains. Cependant, "Hurlements en faveur de Sade" reste un exemple typique de ses excès, où la radicalité se heurte à une incompréhension presque universelle.
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