Saint Malachie d'Armagh (1094-1148), évêque irlandais reconnu pour ses réformes religieuses et sa piété, est surtout célèbre pour un texte mystérieux : les Prophéties de Malachie. Publié pour la première fois en 1595, bien après sa mort, ce document est censé prédire l'identité des 112 successeurs du pape Célestin II, décédé en 1144. Ces prophéties intriguent les chercheurs et passionnés de mysticisme depuis des siècles, en particulier pour la fin qu'elles annoncent : la disparition du dernier pape et, selon certains, la fin du monde. Mais que sait-on réellement de Malachie et de ce texte énigmatique ? Tentons de démêler le mythe de la réalité.
Malachie d'Armagh : réformateur et mystique
Né en 1094, Malachie, de son vrai nom Maolmhaodhóg Ua Morgair, est devenu une figure clé de la réforme de l'Église en Irlande. Après avoir été formé à la discipline et à la spiritualité chrétienne à l'abbaye de Bangor, il fut nommé évêque de Connor avant de devenir archevêque d’Armagh en 1132. Il fut un proche ami de saint Bernard de Clairvaux, qui rédigea une biographie de Malachie, soulignant son caractère saint et ses efforts pour restaurer la rigueur des pratiques religieuses dans une Irlande marquée par le relâchement spirituel.
Malachie est connu pour avoir introduit de nombreuses réformes liturgiques, alignant l'Église irlandaise sur les pratiques romaines. Il mourut en 1148 lors d'un voyage en France, dans les bras de saint Bernard lui-même.
Les Prophéties de Malachie : un texte tardif et controversé
Si la vie de Malachie est bien documentée, c'est à partir de 1595, soit plus de quatre siècles après sa mort, qu’un mystère s’ajoute à sa légende. Cette année-là, l'abbé bénédictin Arnold de Wyon publie un recueil intitulé Lignum Vitae, dans lequel apparaissent pour la première fois les Prophéties de Malachie. Ces prophéties, sous forme de courtes devises en latin, sont censées décrire chaque pape à partir de Célestin II (1144-1145) jusqu’au dernier souverain pontife, annoncé comme Petrus Romanus (Pierre le Romain). Chaque devise se veut une description succincte mais symbolique des papes, faisant référence à leurs origines, à leurs armoiries, ou à des événements marquants de leur pontificat.
L’aspect le plus troublant des prophéties est la fin de la liste. Benoît XVI, qui renonça au trône en 2013, correspondrait au 111e pape, la devise lui étant attribuée étant Gloria olivae (la gloire de l'olivier), ce qui a été interprété de diverses manières, souvent de manière rétrospective. Cependant, selon les adeptes des prophéties, le pape suivant, identifié comme Petrus Romanus, serait celui qui marquerait la fin du monde. Or, le pape François a été élu, portant un autre nom, et l’apocalypse annoncée ne s’est pas produite, ce qui a laissé les tenants de cette prophétie dans la confusion.
Prophétie ou manipulation ?
De nombreuses questions subsistent sur l'origine des Prophéties de Malachie. Rien n’indique que Saint Malachie lui-même en soit véritablement l’auteur. Le texte n’a fait surface que bien après sa mort, et son caractère prophétique semble s’être manifesté à un moment crucial : à la fin du XVIe siècle, alors que l’Église catholique était secouée par la Réforme protestante et cherchait à renforcer sa légitimité. Certains historiens et théologiens estiment que les Prophéties de Malachie auraient été forgées pour influencer l'élection papale de 1590, les devises correspondant aux papes avant cette date étant souvent très précises, tandis que celles d'après sont plus vagues et sujettes à interprétation.
À l’instar des prophéties de Nostradamus, les Prophéties de Malachie sont interprétées après coup pour s’adapter aux événements historiques. De nombreux adeptes tentent de trouver des correspondances entre les devises et les différents papes, mais ces explications sont souvent teintées de subjectivité.
Benoît XVI et la confusion autour de la prophétie
L'un des points de confusion les plus marquants concerne la figure de Benoît XVI, qui porte le numéro 111 dans la liste des papes selon les prophéties. Sa devise, Gloria olivae, a été interprétée comme faisant référence à la paix, l'olivier étant un symbole de paix dans la tradition chrétienne, ou à l’ordre bénédictin, auquel Benoît XVI était attaché. Certains ont vu dans son pontificat une période de réflexion et de recherche de réconciliation au sein de l’Église.
Cependant, la prophétie indique que le dernier pape serait Petrus Romanus, censé régner juste avant la fin du monde. Or, l’élection du pape François en 2013, qui n’a pas pris ce nom prophétique, a désarçonné les adeptes de Malachie. L’apocalypse n’ayant pas eu lieu, certains remettent en question la validité de cette prophétie, tandis que d'autres cherchent encore à réinterpréter les événements actuels pour y trouver un sens.
Mythe ou simple coïncidence ?
La fascination autour des prophéties de Malachie illustre à quel point les hommes cherchent à trouver des signes dans l'inconnu. Bien que les prophéties aient suscité de nombreux débats, leur authenticité est largement remise en question. Le texte semble avoir été conçu pour répondre à des besoins politiques ou spirituels propres à une époque de crise pour l'Église. Qu'il s'agisse d'une falsification ou d'une coïncidence troublante, les prophéties continuent de nourrir l'imaginaire collectif.
Malachie, figure pieuse et réformatrice de son vivant, est ainsi devenu, bien malgré lui, le symbole d'une prophétie apocalyptique qui a traversé les siècles. Pourtant, à ce jour, l’histoire ne semble pas lui avoir donné raison, laissant à ses adeptes le soin de reconsidérer leurs croyances face à une réalité parfois bien plus complexe à interpréter.
Conclusion
Les Prophéties de Malachie, qu’elles soient vraies ou fausses, illustrent la manière dont les récits prophétiques peuvent façonner notre rapport à l’histoire et au pouvoir. Si elles n’ont pas annoncé la fin du monde avec Benoît XVI, elles continuent d’intriguer, oscillant entre mystère, légende et manipulation. Comme souvent avec ce type de textes, ce n’est pas tant leur véracité qui importe, mais la manière dont ils sont perçus et interprétés par les générations successives.
Commentaires
Enregistrer un commentaire