Serge Alexandre Stavisky - Le scandale des bons de Bayonne

 Serge Alexandre Stavisky, surnommé “le beau Sacha”, est l’une des figures les plus emblématiques des scandales financiers qui ont secoué la France des années 1930. Né le 20 novembre 1886 à Slobodka, dans l’ancien gouvernement de Kiev, Empire russe (aujourd’hui en Ukraine), Stavisky émigre en France avec sa famille alors qu’il est encore enfant. Ambitieux, charmeur et manipulateur, il gravit les échelons de la société parisienne en se forgeant une réputation dans le monde des affaires et de la finance. Cependant, derrière cette façade respectable se cache l’un des plus grands escrocs de son époque, impliqué dans une fraude massive qui mènera à l’une des crises politiques et sociales les plus graves de la Troisième République.



L’escroquerie des bons de Bayonne : Au début des années 1930, Stavisky se lance dans une série de manœuvres frauduleuses dont la plus fameuse est l’émission de faux bons municipaux, communément appelés les “bons de Bayonne”, en référence à la caisse de crédit municipal de Bayonne qu’il utilisait pour ses escroqueries. Son système était simple : il émettait des titres frauduleux, des bons municipaux, en promettant des rendements attractifs, et les remboursait avec l’argent des nouveaux souscripteurs, un mécanisme qui rappelle la célèbre “chaîne de Ponzi”. Tant que de nouveaux investisseurs se présentaient, le système paraissait viable.

Le pot aux roses éclate en 1933 lorsqu’il devient évident que la caisse de Bayonne n’a pas les moyens de rembourser les sommes promises. Le préjudice s’élève à environ 200 millions de francs, une somme colossale à l’époque. Pourtant, ce qui rend l’affaire Stavisky particulièrement notable, c’est l’étendue de ses complicités dans les sphères politiques et financières françaises. Stavisky avait réussi à s’entourer d’hommes puissants, corrompus ou compromis, qui lui permettaient de maintenir ses activités frauduleuses à l’abri des regards.

L’affaire Stavisky : une crise politique : L’affaire Stavisky aurait pu passer pour un scandale financier de plus si elle n’avait pas révélé les liens profonds entre l’escroc et certains membres influents du gouvernement, de la justice et des affaires. Stavisky avait profité de ses relations haut placées pour éviter à maintes reprises la prison, et la complaisance des autorités judiciaires à son égard suscita une vague d’indignation à travers le pays.

Ce scandale jeta une lumière crue sur la corruption qui régnait dans les coulisses du pouvoir. La révélation de ses accointances avec le monde politique déclencha une véritable tempête médiatique, avec une presse qui n’hésita pas à évoquer le rôle d’hommes politiques de premier plan dans la protection de Stavisky. L’affaire prit rapidement une tournure antisémite, avec de nombreux journaux et mouvements de droite utilisant les origines juives de Stavisky pour alimenter une campagne haineuse contre la “corruption juive” dans la République.

Un suicide controversé : Alors que l’étau se resserrait autour de lui, Stavisky fut retrouvé mort le 8 janvier 1934 dans un chalet à Chamonix, officiellement par suicide. Cependant, cette version des faits suscita des doutes. Beaucoup crurent que Stavisky avait été assassiné pour le faire taire et protéger ses complices parmi l’élite politique. Cette thèse fut alimentée par le fait que deux balles furent retrouvées dans sa tête, ce qui alimenta encore davantage les soupçons d’une mise en scène.

L’affaire Stavisky fit basculer la République dans une profonde crise de confiance. Les révélations sur la corruption généralisée, la protection dont bénéficiait Stavisky et l’indignation publique face à son “suicide” mirent le feu aux poudres.

Les émeutes du 6 février 1934 : La crise Stavisky déclencha une réaction en chaîne qui aboutit à un épisode sanglant de l’histoire politique française : les émeutes antiparlementaires du 6 février 1934. Ces manifestations, organisées principalement par des ligues d’extrême droite, des anciens combattants et des royalistes, dégénérèrent en violences sur la place de la Concorde à Paris. Les manifestants dénonçaient la corruption au sein du gouvernement et réclamaient la chute de la Troisième République. Les affrontements avec la police causèrent environ 15 morts et plus de 1400 blessés.

Cet événement marqua un tournant majeur dans la politique française, renforçant l’instabilité du régime parlementaire et ouvrant la voie à une montée en puissance des forces réactionnaires et antirépublicaines.

Un héritage sulfureux : L’affaire Stavisky demeure un symbole de la corruption d’État et des dérives du capitalisme financier. Si son nom est resté célèbre pour ses escroqueries, il a également incarné la collusion entre affaires et politique, et les failles d’un système gangrené par les privilèges et l’impunité.

Cette affaire inspira plusieurs œuvres, dont le film “Stavisky” réalisé par Alain Resnais en 1974, avec Jean-Paul Belmondo dans le rôle-titre, offrant une interprétation romancée du personnage tout en soulignant l’atmosphère délétère de la France des années 1930.

L’histoire de Serge Alexandre Stavisky reste celle d’un homme qui, par son audace et ses malversations, a précipité une nation dans le chaos. Si sa vie a pris fin de manière mystérieuse, ses actes et leurs conséquences ont profondément marqué la France de l’entre-deux-guerres.

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